Carnet de bord

Boukhara, ville du bout du monde

Panorama of Bukhara, UzbekistanPanorama of Bukhara, Uzbekistan

Me voilà à Boukhara, ville de naissance de Tamerlan, grand et illustre guerrier de la nation Ouzbek, qui n’avait pas grand-chose de purement Ouzbek car il est reconnu comme un Turco-mongol. Grand héritier d’un pays envahi par les Mongols quelques temps auparavant et voisin du grand Empire Ottoman. Ceci dit, c’est un homme qui a grandement modernisé son pays lors de son règne, et qui lui a donné une grande partie de ses lettres de noblesse d’aujourd’hui.

Je me réveille en plein milieu de Boukhara. Etant arrivé tard et ne trouvant pas mon hôtel, je me suis arrêté dans un petit restaurant fermé mais encore occupé par ses employés. Un jeune homme m’aida et m’accompagna en taxi pour me montrer le chemin. Il refusa même que je paye le taxi. Décidément, la générosité est tellement formidable dans ce pays que je reste souvent pantois.

Le matin en me réveillant, une seule chose me préoccupe : ma moto. Mon rayon est cassé, mon moteur à une potentielle fuite d’huile et je ne sais que faire. Je croise un homme qui veut bien m’aider dans l’hôtel. Il est afghan, de l’ethnie Tadjike, il vit en Amérique car c’est un réfugié politique, il est donc désormais… Texan.

Il m’aide à trouver un premier contact qui lui ne peut rien faire, mais qui connait une autre personne susceptible de m’aider. Cet homme-là, qui parle un anglais moyen mais bien suffisant, arrive avec un grand sourire. Il est très poli comme beaucoup ici, et inspecte mon véhicule. Le verdict ? Il lui faut son mécanicien. Il repart et me dit d’attendre à l’hôtel : « My mechanic will come to the hostel, don’t worry my friend, wait 30 minutes ».

Dans ces pays non développés, je sais que 30 minutes peuvent être une demi-journée. Je n’y crois pas trop mais surprise, 20 minutes plus tard, le mécanicien m’accueille avec un large sourire et inspecte ma moto. Il ne parle pas anglais. Mais ce n’est jamais un problème, il appelle son chef venu 20 minutes plus tôt pour me traduire. Il me faut le suivre avec ma moto à son garage pour qu’il puisse voir de plus près ce qui se trame. Et la nouvelle tombe…

CE NE SONT QUE QUELQUES BROUTILLES :

  • L’huile qui coulait sur la route n’était pas le moteur, mais simplement le pignon de fourche qui n’avait pas été nettoyé depuis un bout de temps, le très fort vent dans le désert ayant fait tomber des gouttes de crasse. Rien de plus.
  • Les rayons eux, s’avèrent être un problème plus coriace. Mais ce mécano est un débrouillard et il me propose naturellement de… M’en forger de nouveaux. C’est avec plaisir que j’accepte et ça me fait même rire. Heureusement que j’avais gardé ceux qui étaient tombés, car il a pu ainsi s’en servir comme base.
  • La fumée blanche sortie du pot ? Tout simplement quelques gouttes au fond de mes grosses bouteilles en plastique qui ont, combinées à la mauvaise qualité de l’essence, produit une usine à nuage.

Je vais patienter quelques jours, ce qui me permettra de visiter la belle Boukhara, illustre ville avec un côté tout à fait classique des villes de cette région et son quartier historique (le plus touristique à raison) qui est tout simplement sublime.

Sur ma route vers la vieille ville, je rencontre deux Français, Fanny et Clément, que j’avais brièvement aperçus au port d’Alat et avec qui j’avais discuté une vingtaine de minutes avant qu’ils n’embarquent sur un bateau différent du mien. Ils font réparer leur moto chez la même personne que moi. Tout joyeux de les revoir, nous discutons et nous décidons de visiter ensemble la vieille ville.

Que dire de ce joyau… Boukhara est la plus belle illustration de ce qu’on peut s’imaginer à propos d’une ville Musulmane du Moyen Âge. On se croirait dans un conte. La ville et les monuments ont été restaurés récemment, mais rien n’a été dénaturé, toutes ces mosaïques sont tellement superbes et colorées, de formes diverses. Il y a différentes dorures. On s’imagine vraiment 500 ans auparavant, il ne manque plus que les chevaux et le bruit des marchands qui négocient sur le marché. Le soleil de plomb rend la ville déserte de ses touristes et nous sommes seuls à circuler à travers la ville alors que nous sommes en août. C’est fou, nous avons tellement de chance ! La ville se colore de différentes façons à chaque heure de la journée et bien sûr le spectacle est à son apothéose lorsque survient le coucher du soleil.

Les pierres se mettent à prendre une couleur de bronze, les mosaïques à refléter des ombres dansantes et tout ceci en fait un spectacle incroyable et délicieux pour les yeux.
C’est mémorable et magnifique, je suis à l’autre du bout monde avec ma moto et j’assiste à ce spectacle, alors que 3 mois auparavant j’étais encore en France à m’affairer pour que ce voyage voit le jour. Il est vrai que lors de ces instants, toujours trop éphémères, je me rends compte à quel point cette époque est formidable pour m’ouvrir au monde. De grâce, que jamais cette lueur ne s’éteigne et que le spectacle soit éternel. De longues heures de moto et de galères me font apprécier ce spectacle qui chaque jour est toujours différent.

Après 2 jours de réparation, je suis enfin rappelé par le garagiste qui me signale que ma moto est prête. Je suis vraiment content de la retrouver en bon état pour attaquer la route du Pamir, j’avais prévu un autre itinéraire en cas de commande à faire de pièces détachées. Mais le sort cette fois en a décidé autrement. Je peux aller affronter l’une des plus hautes routes du monde avec une belle moto en toute possession de ses moyens.

Voici une anecdote qui traduit un peu la mentalité Ouzbek : au moment de récupérer mon engin je lui demande combien je lui dois, il me sourit en me disant que ce n’est pas la peine que je le paye. Il en est évidemment hors de question, cet homme a travaillé et c’est l’opportunité pour lui de se faire un peu plus d’argent que d’habitude. Je lui demande alors en m’énervant gentiment de me donner un prix et il me dit « Donne-moi ce que tu veux ». Alors, pour être sûr de le satisfaire et que je fasse aussi une affaire, je lui demande « Quel prix te parait bien? ». Il hésite, et m’annonce timidement 30$. C’est donc avec plaisir que je lui donne son argent, que je le remercie et que je file pour préparer mes affaires car le lendemain une autre ville mythique m’attend : Samarcande et son Registan monumental.

En selle aux alentours de 10h30, je me mets en route après avoir fait le plein d’essence, que j’ai cherché pendant près de 45 minutes car ce pays a la particularité d’avoir une essence d’une qualité désastreuse, mais également d’utiliser comme principal carburant du propane et du méthane, ce qui rend encore plus long une action tellement anodine en France.

La route est sans grand intérêt, quelques badauds m’approchent quand je m’arrête pour monter sur ma moto et prendre des photos avec moi car j’ai plus l’air d’un personnage de Halo 3 que d’un humain !

Et à l’arrivée, qui vais-je contacter pour aller boire une bière ? Fanny et Clément ! Ce couple s’enfile des bières tellement vite ! Moi qui ne bois pratiquement jamais d’alcool j’ai le temps de finir une bière quand eux en sont à la troisième ! Il faut dire qu’à part de l’eau je ne bois pas grand-chose, mais la bière est un alcool très social, donc je m’y colle de temps à autre pour ne pas me retrouver à parler au mur de ma chambre d’hôtel.

Après une bonne soirée à discuter de voyages et d’expériences diverses et variées, nous nous quittons en sachant que la route vers les sommets Tadjiks nous amènera surement à nous croiser. Et avec la magie d’Instagram nos rencontres sont bien plus faciles et tous les hôtels (ou presque) possèdent le wifi, ce qui facilite bien les choses.

Le lendemain, j’entreprends de visiter la ville.

Le soir précédent, je visitai le fameux Registan, mais comme beaucoup de monuments très beaux et très connus à travers le monde, il pâtit de sa réputation. Lors de mon passage, je partageais la visite avec plus de 300 personnes.

La conséquence directe est que le monument perd en authenticité, il y a toujours dans votre champ de vision un groupe qui passe son temps dos au monument à faire des selfies et montrer au monde entier qu’ils voyagent plutôt que de profiter des incroyables fresques aux détails chirurgicaux qui nous sont offertes !

Mais il en est ainsi, les gens voyagent pour une forme de reconnaissance, la photo en elle-même n’a également plus grand sens, elle sera noyée avec 5000 autres photos.
Il est bien loin le temps de nos grands-parents qui triaient chaque photo prise, soigneusement classée dans des albums, eux-mêmes rangés par années, et où la photo avait une réelle valeur.

Je pars donc à l’assaut de cette ville clairement plus touristique que toutes les autres que j’ai pu visiter. On peut y voir des gros cars traverser la ville, remplis de touristes venant d’horizons divers et armés de leur perche à selfies pour faire des photos moches depuis leur car, comme s’ils visitaient un zoo et qu’ils étaient entrés dans la cage aux lions.

Je me dirige vers le marché de Samarcande – j’ai écouté de nombreuses émissions à son sujet disant qu’il était foisonnant et grouillant de monde. Je suis donc assez excité d’y aller.

Je me retrouve au milieu de vendeurs de pains plats garnis de graines de pavot (c’est succulent), puis je trouve des légumes, des pastèques et des melons pesant facilement 10 kilos sur les étals. Mais, pour avoir visité un grand nombre de marchés au cours de mes différents voyages, il s’avère que celui-ci n’est pas si foisonnant que ça, pas mal d’étals sont vides.

J’y étais certainement un jour qui n’était pas le plus grand rendez-vous de la semaine, mais il me laisse un goût amer. Peut-être me suis-je fait également trop d’idées, mais je n’en suis pas convaincu. Certes il y a des épices, des vendeurs de fruits secs, de noix, de bonbons, d’œufs, de safran. Mais je le sais au fond de moi, le tourisme de masse a changé cet endroit, ce n’est encore que très léger mais à terme ce marché ne sera dédié qu’à émerveiller les touristes, avec plus rien d’authentique. Au moins je l’aurai vu en pleine effervescence.

Je visite un autre mausolée qui est en pleine rénovation, il affiche une multitude de fresques et de couleurs, puis je décide de rentrer, la chaleur de plomb m’a épuisé. Il fait près de 40° tous les jours. Je vais prendre un après-midi pour me reposer, dormir, faire la sieste c’est important.

Car vous savez d’ici quelques jours je devrais affronter des altitudes extrêmes que je n’ai même jamais grimpé à pieds, c’est d’ailleurs l’une des plus hautes routes que l’humain ait construit sur notre planète à ce jour… Mais ça, c’est dans un autre pays et surtout, c’est dans le prochain article!

Enzo.

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